Anne Le Mée

"L'eau

est comme notre esprit, car elle ne change jamais d’essence bien qu’elle prenne de nombreuses formes : nuages, lacs et rivières, rosée sur les arbres, humidité dans l’environnement. Dans le royaume de ses multiples manifestations, l’essence de notre esprit reste inchangée.
Notre Loi est la loi de l’eau, la loi du soleil, la loi de la foudre. Elle n’admet pas les réformes, elle ne connaît pas les décrets, elle n’accepte pas les constitutions ni les politiques, car notre loi, celle qui régit la vie, reste toujours la même dans le temps. Pour que l’harmonie revienne dans nos vies, il est nécessaire que les lois créées par les humains respectent et se conforment à la loi de l’origine, la loi naturelle, la loi qui permet la vie, la loi suprême avec laquelle travaillent les Mamas ».
« Ñi, c’est l’eau. Ñinuglan, c’est toute l’eau qui existe, visible et invisible. Tukwashizha est le chemin naturel de l’eau, ce sont les cours d’eau souterrains et de surface. Toute l’eau qui existe dans le monde provient de Sé, de la Mère. Elle naît en tant qu’Aluna Ñinuglan, eau en pensée, en esprit, dans laquelle se trouve l’essence permettant à l’eau de se former, fournissant en même temps l’énergie qui nourrit et permet son maintien. C’est de là que l’eau est semée et que naît son chemin – Tukwashizha. Jaba Kwan, c’est la Mère qui permet le déploiement de l’eau.
La connaissance des principes de l’eau, de ses typologies, de ses cycles liés aux cycles du soleil, de l’énergie de l’eau, des vents, des pluies, des connexions et des liens avec les montagnes depuis les paramos (landes d’altitudes) jusqu’aux plages et aux océans ; tout cela fait partie des trames qui soutiennent l’ordre des choses, l’organisation du territoire et ses modalités ancestrales de gestion.
L’organisation, la structuration et la fonction de toutes les eaux, sont établies selon les lois et principes communiqués par les lieux et les espaces sacrés. » « Dans les puits, les marais, les ruisseaux et autres petits cours d’eau, sous toutes ses formes l’eau est sacrée, on ne doit pas l’altérer, interrompre son déplacement, l’assécher ou l’utiliser sans en connaître la fonction d’origine. Car l’eau, dans ses différentes formes, a une fonction. »

Peuples autochtones de la Sierra Nevada de Santa Marta, Mamas Kogis. Op. Cit. Eric Julien, Tchendukua, ici et ailleurs.