Anne Le Mée

Processus

Autour des rivières et fleuves de Bretagne

En cours de réalisation: L'Aulne (2022-2024): projet Mémoire du Fleuve : parcours immersif, collaboration arts-sciences.

Films réalisés: : La rivière (2012 - quatre versions), Le Trieux (2019 - deux versions): parcours immersif dans le lit du fleuve, à pied ou en canoë, intégralement ou par tronçons.

Installation et performance: Bassin versant de la Vilaine (2002 - Fractale M): parcours sur les rives avec prélèvement d’échantillons d’eau.

Parcours sans restitutions publiques: le Gouédic, le Gouessant, l’Aff, le Serein, le Belon, le Scorff, le Leguer, le Leff, la Vilaine, la Sèche...


Prises de vues sur le Gouët


Immersion: Les films réalisés sur les rivières et fleuves ne peuvent être fait, pour des raisons techniques, que depuis le cours même et non depuis les rives. Ils constituent donc une performance radicale d’immersion dans le cours d’eau. En parcourant les rivières et fleuves, je me replonge littéralement dans le flux du vivant.

Prises de vues: C’est la rivière qui, par ses rythmes, accidents et remous intimes, déroule le script du film; je me contente de déclencher la prise de vue de façon régulière et systématique, pendant quelques minutes, avant de ramener la caméra vers moi. Comme je suis située en amont de 50 à 100 mètres pour éviter -entre autres- les remous parasites, je ne peux deviner en détail ce qui est filmé.
Cette façon de procéder, en donnant une belle part au hasard, octroie aussi une intentionnalité à la rivière, considérée comme une entité vivante, un sujet.
Ces prises de vues souvent très nombreuses donnent la matière à plusieurs montages pour une même rivière.
De même que la rivière n’est jamais la même, le film change en fonction de l’endroit où il est diffusé. Chaque film est une pièce unique et non définitive, un témoignage à un instant T.

Marche: Le retour vers la voiture laissée quelque part en amont se fait à pied depuis les rives: je découvre alors l’«envers» de la rivière, un paysage souvent anthropisé qui conditionne sa santé.
Cette marche immergée et émergée est aussi une tentative de renouer avec un des derniers continuum biologique du territoire, un vestige du sauvage en Bretagne terrestre. Autrefois, alors que la forêt couvrait toute la surface, la rivière ouvrait une ligne de circulation pour cavaliers et marcheurs. Elle creusait une ouverture dans le paysage, parfois signalée par des monuments mégalithiques.
Cette marche coordonnée à un élément naturel réveille la mémoire ancestrale du nomade: se relier à la rivière dans ce rythme lent, c'est se relier à une pulsation vivante, et à travers elle, à la symphonie de la terre. La rivière est à la fois un condensé du paysage par le ruissellement, et un condensé de temps par son cycle perpétuel et ancestral.
"L'humain est fait pour marcher" Etienne Davodeau


Aujourd’hui, la rivière est soit délaissée, soit remaniée et malmenée à des fins utilitaires. Dans les deux cas, elle est invisibilisée et non considérée pour elle-même.
L’empreinte humaine s'y perçoit de façon subtile ou immédiate.
En Bretagne, la grande majorité des rivières et fleuves sont pollués par les nitrates et pesticides, qui se retrouvent ensuite dans l'eau du robinet.

 

English translation

Immersion: Films made on rivers can only be made, for technical reasons, from the riverbed and not from the banks. Therefore they constitute a radical performance of immersion in the watercourse. By traveling through the rivers, I literally immerse myself in the flow of life.

Shots: It is the river which, through its rhythms, accidents and intimate swirls, unfolds the script of the film; I just trigger the shot regularly and systematically, for a few minutes, before bringing the camera back towards me. As I am located 50 to 100 meters upstream to avoid - among other things - parasitic swirls, I cannot guess in detail what is being filmed.
This way of proceeding, by giving a large part to chance, also grants intentionality to the river, considered as a living entity, a subject.
These very numerous shots provide the content for several montages about the same river.
Just as the river is never the same, the film changes depending on where it is shown. Each film is a unique and not definitive piece, a testimony to a given moment.

Walking: The return to the car left somewhere upstream is done walking the banks and nearby: I then discover the “other side” of the river, an often anthropized landscape which conditions river's health.
This submerged and emerged walk is also an attempt to reconnect with one of the last biological continuums of the territory, a vestige of the wild in terrestrial Brittany. In the past, when the forest covered the entire surface, the river opened a line of traffic for riders and walkers. It traced an opening in the landscape, sometimes indicated by megalithic monuments.
This walk coordinated with a natural element awakens the ancestral memory of the nomad: to connect with the river in this slow rhythm is to connect to a living pulsation, and through it, to the symphony of the earth. The river is both a summary of the landscape through runoff, and a summary of time through its perpetual and ancestral cycle.
“Humans are made to walk” Etienne Davodeau


Today, the river is either abandoned or reworked and mistreated for utilitarian purposes. In both cases, it is invisible and not considered for itself.
The human imprint can be seen there in a subtle or immediate way.
In Brittany, the vast majority of rivers are polluted by nitrates and pesticides, which are then found in tap water.